Si la Trentaine d'Issoire a été initiée sous l'impulsion d'Albet GARNAVOT et d'Yves LAMOURDEDIEU comme expliqué plus haut, le commandement en est assuré par un autre officier, le capitaine Robert CHAUVEAU, sans que l’on sache depuis quand. En effet, de par son rôle stratégique comme secrétaire de Police au Commissariat d'Issoire d'où il fournit de multiples faux papiers et renseignements, Albert GARNAVOT ne passe à la clandestinité que le 10 juin 1944 pour rejoindre la Trentaine comme adjoint de CHAUVEAU.

Décrire la genèse, le devenir et l’organisation du groupe de résistance qui deviendra la Trentaine d’Issoire (1) n’est pas chose aisée, les archives du groupe n'ayant pas été localisées à ce jour ; peut-être ont-elles été détruites (en tout ou partie) ou perdues dans les circonstances qui seront relatées plus loin. Roger THÉVENIN nous éclaire sur l’histoire de la Trentaine dans une déclaration préparée en vue du 50e anniversaire des évènements qu’il a laissée sur son site. Tout part d’Yves LAMOURDEDIEU, jeune Issoirien d’adoption (2) :

En juillet 1943, André GRANET m'emmène chez Yvon LAMOURDEDIEU pour parler d'un projet dont ce dernier s'occupe déjà depuis plusieurs mois. Une participation au sein des F.F.I. pour la reconquête de notre Patrie. L'idée nous séduit et nous nous sommes engagés auprès d'Yvon à respecter ses ordres et à être discrets. Pendant l'été et l'automne, il nous a confié des missions (distribution de tracts, renseignements) tout en nous informant que nous devions être prêts à partir pour le Maquis, pour faire partie d'un groupe qui serait commandé par un homme qui nous sera connu début 44 (3).

En avril 1944, repéré par les Allemands, notre groupe quitte St-Vincent … pour gagner le Petit-Parry où notre groupe de corps franc s'étoffe. C'est l'époque de quelques coups de main dont certains se souviennent encore (panneaux enlevés sur la nationale et ses approches, tout ceci en voiture à cheval), quadrillage de Saint-Germain-Lembron une partie du mois de juin, où la Milice était aux abois. Accompagnant des exécuteurs de salopards, collecte de fonds, de nourriture, de tabac ; presque tous ceux qui avaient une habitation ou une fonction nous ont aidés.

(1) : Les groupes de résistants étaient structurés en unités dont le nom était dérivé de leur taille. Ainsi, la Sizaine (unité de base) correspond à 5 combattants plus un chef de Sizaine, une Trentaine regroupe 5 Sizaines plus un chef de Trentaine et une Centaine regroupe 3 Trentaines et un chef de Centaine avec son Etat Major comprenant un adjoint et 4 agents de liaison au moins.

(2) : son père, Marcel LAMOURDEDIEU, y est venu pour l’édification et la direction de l’usine SCAL (Société Centrale d'Alliages Légers) dans un geste architectural remarquable, encore discuté de nos jours (exposition "Jean Prouvé et la SCAL, Issoire" en 2015 et film de Christophe Laurent "Perret, Jeanneret, Prouvé, Perriand : œuvres pour l'usine de la SCAL à Issoire").

(3) : comme spécifié dans la phrase suivante, il s’agit d’Albert GARNAVOT (capitaine Albert).

Au tout début 44, Albert GARNAVOT quitte son travail et sa famille et nous sommes reçus chez Lucien GOIGOUX, à Saint-Vincent (près de Chidrac), où nous établissons un premier relais d'où notre petit groupe participe à différentes opérations : plastiquage des voies de chemin de fer, convoyage d'armes venant de parachutages, messages et contacts avec les unités établies des deux côtés de la nationale Clermont-Ferrand/Le Puy, convoyage au début du printemps des hommes venant du Bassin Minier, de Brassac et de La Combelle, de Clermont et de sa région qui ont été acheminés dans le Cantal et qui pour la plupart ont combattu au Mont-Mouchet.

Toujours sur son site, Roger THÉVENIN rappelle en 1996 la composition du noyau initial de la Trentaine d’Issoire :

Roger THÉVENIN

(Croquignol)

10-04-1925

© SHD, GR-16P-567661

Déclaration en vue du 50ème anniversaire, in La Trentaine d'Issoire

La Trentaine d'Issoire

La résistance se structure autour d'Yvon (LAMOURDEDIEU) en relation avec Albert (GARNAVOT) et Paul (DALLANT) ensuite viennent André (GRANET), Roger T. (THÉVENIN) puis Marco (Jean Marc TIXIER), Claude (MARRET), Rémy (RICHARD) et Roger L. (LESBRES).

Et de confirmer pour que les choses soient claires face aux vélléités de gloire tardive de certains :

Aucun autre candidat n'ayant été accepté, nous étions 9.

Repéré, le noyau initial se replie en avril 1944 au Petit-Parry, hameau retiré dans les montagnes que Lucien GOIGOUX, leur hôte de Saint-Vincent, avait auparavant inventorié comme lieu d’accueil possible. Le groupe s’étoffe rapidement pour devenir Trentaine, qu’il s’agisse de nouvelles recrues galvanisées par l’annonce du débarquement de Normandie ou de rescapés de la bataille du Mont Mouchet début juin puis de celle du réduit de la Truyère à Chaudes-Aigues ou de la dissolution du réduit de Saint-Genès-Champespe. À noter qu’aucun témoignage de membres de la Trentaine d’Issoire ne fait état d’une participation de ce Maquis à ces grandes batailles pour lesquelles l’état major avait pourtant battu le rappel.

Ainsi, le capitaine Gabriel GENEIX (capitaine ÉLOY) était réfugié au Petit-Parry depuis quelques jours en ce tout début de juillet 1944 avec les rescapés de son fameux corps francs, arrivant de la Truyère distante de 90 km après s’être échappés du Mont Mouchet, soit 150 km et deux batailles très meurtrières en moins de 3 semaines, sans compter les multiples escarmouches sur le trajet. Avec eux se trouvaient également deux aviateurs alliés dont les avions avaient été abattus et qui tentaient de regagner l’Angleterre, Herbert A. CAMPBELL (américain) et Garnet P. COLUMBUS (canadien), qui vont jouer un grand rôle dans les évènements du 2 juillet 1944. Selon Rémy RICHARD, 37 combattants sont dénombrés au Petit-Parry début juillet 1944, 45 selon la déposition d’André GRANET pour le rapport d’Albert GRÉGOIRE.

Les hommes sont logés dans les granges, le ravitaillement est difficile car les ressources propres du hameau ne peuvent suffire à nourrir une population doublée. Néanmoins, le groupe continue ses activités de résistance, le commandement ayant donné l’ordre de harceler les troupes allemandes.

6. Après l'attaque

(page en développement)